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Les hommes ont-ils peur du mariage ?
Les femmes rêvent souvent de robes blanches et d’enfants alors que les hommes ne voient dans tout ça que la corde au cou. Vivre ensemble, se marier, avoir un bébé… autant de preuves d’amour et d’engagements que les hommes ont du mal à prendre. Vrai ou faux ? Et si c’est vrai… qu’est-ce qui leur fait peur, à la fin ?
Vérité ou légende ? L’homo maroquinus est-il sujet à un refroidissement de ses gènes ? On a vérifié les statistiques : moins de mariages et plus de divorces. Nous sommes allés vérifier sur place auprès de ces messieurs. La partie immergée du fléau confirme la tendance sociale : le modèle “mâle” du mariage s’effondre, du moins prend un virage à 360° ! A quarante ans, Fayçal, biceps gonflés à bloc et dernier édito de Marianne en tête, lorgne sans cesse les femmes et soupire de ne pas avoir -encore- trouvé chaussure à ses pieds. Avec trois fiançailles rompues en poche et une multitude d’amourettes, Fayçal résume l’air du temps : “J’ai peur du mariage ! Malgré toutes les rencontres faites jusque-là, je n’ai jamais fait le dernier pas.” Blondes aux yeux de mer, brunes d’Arabie aux yeux de jais, taille mannequin, taille rondelette, universitaire travailleuse ou oisive glamour, Fayçal aura tout aimé. Sans comprendre pourquoi, un beau jour, ses engagements sentimentaux se dégonflent pour des raisons mystérieuses… Blocage psychologique ? Mode sociale pour faire in ? Un autre homme, Ahmed, la trentaine bétonnée de principes, voit l’affaire autrement : “C’est un choix ! Je ne suis ni angoissé ni torturé par l’idée du mariage. Je n’en veux pas par conviction personnelle. Capito ?” Les hommes sont-ils devenus allergiques aux rites de la fertilité matrimoniale ? Pour Nawal, trente-cinq ans et quelques ex qui ont filé à l’anglaise : “On ne sait plus comment aimer les hommes, ni ce qu’ils attendent finalement de leurs moitiés. Je crois qu’ils sont eux-mêmes un peu perdus !”.
Les théoriciens de la modernité
Etre moderne, c’est ne plus se marier sous les auspices des parents. C’est leur permettre de dire “oui” (et plus rarement) “non” à un fait établi et un lien déjà là. C’est choisir sa campagne au gré des déambulations sentimentales, avec plus de liberté et de manœuvre. Un itinéraire qui démystifie l’amour, l’éros et sépare dans le mot nikah ses deux acceptions linguistiques : acte de mariage et acte sexuel. “Lors de mes premières aventures amoureuses, se souvient Fouad, je me comportais comme si j’allais me marier à chaque fois avec mes conquêtes. C’était inévitable dans ma tête. Au fil des ans, j’ai appris à dissocier la relation amoureuse de l’objectif mariage.” Les sentiments, la sexualité des hommes, autrefois dépendant du lit conjugal, ne sont plus des institutions. Ce que résume Adil, la quarantaine : “Je ne veux pas me marier pour le sexe. Si dans les campagnes, il faut se marier pour faire l’amour, dans les grandes villes, la tendance est d’abandonner cette vision des choses.” Décryptage : L’homo maroquinus regarde un peu plus loin que le bout de son nez devant la devanture féminine. Il s’intéresse de plus en plus à la cavité cérébrale des femmes, à leurs projets professionnels et carrières, leurs idées du couple et de la vie. Le mariage lui-même demande un gros investissement de personne, de temps et d’argent et certains le placent en seconde ou troisième position dans leurs objectifs vitaux. C’est le cas des hommes qui intellectualisent l’existence et préfèrent vivre selon des principes idéalisés : “A quoi bon se marier se demande Tahar, la quarantaine ? Pour l’amour ? Il disparaît au bout de quelques années ! Pour le partage ? Je n’aime pas cette forme d’exclusivité où l’on se dit faussement : je suis à toi et toi tu es à moi ! Pour les enfants ? Je n’en veux pas, du moins pas pour les élever selon nos traditions ! Alors, je préfère rester seul. J’aime la solitude, finalement.” Un autre intello explique sa hantise du mariage par l’impossibilité de tisser un lien amoureux vrai dans notre société : “Je n’ai jamais rencontré de femme qui sied à ma mentalité et mes idées sur la vie. Se marier chez nous, c’est épouser la belle-mère et toute l’escorte qui veille à la tradition.” Quant à Abderrahim, quarante-cinq ans et pas de mariage en vue : “Je refuse d’être instrumentalisé par notre culture. Je me suis fiancé, il y a une dizaine d’années. L’achat d’un appartement est devenu une condition sine qua non pour vivre ensemble. Le comble, c’est que le grand-père de ma fiancée nous a proposé de nous acheter un appartement que nous payerions petit à petit. Et bien, la belle famille est intervenue pour confisquer l’appartement en question et le garder pour elle. Vous parler d’une vie construite à deux ?”Les freins économiques
Où en sommes-nous des valeurs matrimoniales au Maroc ? Confronté à une vie sentimentale et sexuelle plus riche, l’homme accepte plus facilement le concubinage ou la relation suivie sans lendemain matrimoniale. Une réalité qui explique pourquoi les hommes sont moins empressés de fonder un foyer. Pour Samir, trente-quatre ans, “l’homme est plus libre sur le plan de la conception matrimoniale. Peut-être pas dans d’autres domaines de la vie à deux, mais il est plus affranchi lorsqu’il s’agit de projet intime et de lien avec l’autre.” Pour Rajae, la trentaine, “même libérée, la femme a besoin d’un homme qui la protège. Une sorte de père. C’est une constance malgré les bouleversements socio-économiques que nous vivons.” Soit. L’homme a aussi besoin de mamelles maternelles. S’y rajoute la hantise du pourvoyeur de fonds qui surfe seul avec les exigences financières du couple. Un sujet que bien des hommes évoquent comme un frein majeur à leur épanouissement matrimonial. Pour Mohamed, trente-cinq ans : “Les choses ont beaucoup changé lorsqu’il s’agit d’argent au sein du couple. Mais quoi que l’on dise, c’est le mari qui reste la pierre angulaire de l’édifice financier.” Et d’ajouter que “le mariage reste une symphonie qui se joue à une seule main !”Le problème de l’argent, un dilemme dans notre culture dans la majorité
des cas ? Dans l’exemple de Abdelhak, trente ans : “Même avec son salaire, ma fiancée ne voulait rien entendre. J’étais l’homme dans le sens sonnant et trébuchant du terme”. Les salaires modestes, les risques de chômage et les difficultés matérielles liées à la préparation du mariage stoppent net toute envie d’envol individuel. La cérémonie est jugée trop chère. Le nid du couple doit être préparé avant terme. La prise en charge (partielle ou totale) de la belle dulcinée doit être visible. L’homme doit aussi apprendre à se confectionner une image d’être aisé ou riche à faire valoir hypocritement devant les autres. Et aussi une image d’homme-père-surhumain-infaillible à créer de facto pour compenser le vide phallique de sa promise. Azeddine, quarante-deux ans : “C’est cher payé ! Ce qu’on demande à l’homme est inhumain. Un homme, c’est pas un tiroir à rêves.”Lorsque la peur est profonde…
Pour d’autres hommes, toute décision, dans la vie, est difficile. S’engager est pour eux un supplice qui cache un profond malaise. Ce sont les hypocondriaques irascibles de l’hésitation et du déséquilibre sentimental. Certains ont vécu une histoire d’amour dont ils gardent un souvenir amer sur certains points. Ceux-là craignent peut-être de revivre ces moments déplaisants. Certains ne sont pas mûrs pour se lancer dans une difficile aventure. Des vagues de crise d’identité balaient la psyché masculine et la désarçonnent. Des problèmes sexuels naissent des avatars de l’urbanité cahotante. La régression des hommes est recherchée vers un nirvana inaccessible que décuple l’agression permanente des images télévisuelles. Une soupe moderne constipante que certains érigent en philosophie de vie pour mieux s’adapter à leur condition de célibataires endurcis.D’autres vivent mal cette attente éternelle et ont parfois de bonnes raisons de désespérer. Amal sort d’une cure chez un psychologue. C’est son fiancé qui doit prendre sa place, mais ce dernier a fui le psychologue, le projet de mariage et la relation qu’il entretient avec Amal depuis deux ans. “Je ne sais pas pourquoi il a peur de me toucher. Nous n’avons que des relations éphémères et je suis la plus demandeuse des deux.” Le mariage est parfois angoissant pour les hommes parce qu’ils ont peur de dévoiler certaines vérités intimes: homosexualité refoulée, problèmes d’érection, instabilité émotionnelle qui remontent à la surface à l’heure du choix décisif. Rachid, trente-sept ans : “Je n’ai jamais pu garder un lien et mener à bien un projet matrimonial. Après quelques mois paradisiaques, commencent les malentendus, l’escalade, la rupture qui se dessine au loin. Je ne sais pas gérer ce qui m’arrive.” Les mariages heureux sont bâtis sur la confiance et l’amour inconditionnel. Deux choses qui ne peuvent cœxister avec la peur. La peur endommage le mariage parce qu’elle rend défensifs. Pour Salah, hyper timide à quarante ans : “Nous détestons admettre nos faiblesses ou nos fautes. La peur que ma conjointe s’aperçoive de mes faiblesses me place sur la défensive.” De même, l’insécurité déstabilise l’homme et mène aux luttes de pouvoir. “Afin de prouver ma compétence, confesse Salah, j’ai toujours agi en dictateur. Le résultat est qu’à chaque relation, j’entretiens un état de conflit perpétuel qui provoque mes ruptures.”
Le rôle conciliateur de la femme
Le dédale civilisationnel brouille et redistribue les valeurs de la vie à deux. Entrechoc des genres qui se repositionnent au coude à coude pour tracer leurs nouvelles frontières. Vécus des hommes qui explosent en une myriade d’expériences sexuelles et redéfinissent la vie. Nouveaux styles de vie célibattante qui s’imposent avec leurs libertés et leurs contraintes. Fini le mythe de Platon où chacun quête sa douce moitié ? Bientôt, un monde sans pères ni mères et des enfants conçus sans sexe ? Pas si sûr et en attendant l’humanité du troisième type, restons zen et pratique. L’amour sans concession est celui qui se vit pleinement. Sans (trop de) calcul et dans la seule perspective de construire quelque chose à deux. Les angoisses sont souvent partagées mais la femme doit ici jouer un rôle de réconciliation et les tempérer via la communicationet une montagne de compréhension. Selon Jamal, trente-sept ans : “C’est ma femme actuelle qui m’a aidé à résoudre mes dilemmes internes et d’aller de l’avant.” Leur couple n’en est sorti que plus renforcé.
En périodes de crises sociales, de bouleversements dans les repères et objectifs, les hommes ont besoin de mains tendues pour dépasser les obstacles moraux et financiers et aller de l’avant dans le couple. Les notions principales de liberté, d’espace de vie, de partage des responsabilités, de participation active au foyer, d’investissements pécuniaires restent des notions modelables. La fête de mariage, les valeurs de l’éducation à transmettre aux enfants, les choix liés à la tradition sont aussi malléables. Il ne s’agit pas de savoir comment chacun a envie de vivre, mais comment l’homme peut dealer avec la lourde responsabilité sociale d’être définitivement avec l’autre – même si cet autre est adoré.
Sujet: HISTOIRE DE MUR
C’est deux fous qui veulent s’évader d’un asile (de fous !!) le premier un peu moins fou que l’autre demande : – Va voir au font du jardin, si le mur est bas, on passera par dessus si le mur est haut, on passera par dessous le deuxième s’exécute et revient quelque minutes plus tard : – On peut pas s’évader, … y a pas de mur !!
La Boîte à Merveilles est une œuvre riche en personnages surtout de sexe féminin. Aussi nombreux soient-ils, ils demeurent tous proches les uns des autres par les liens qui les unissent, liens de voisinage ou d’amitié, de rivalités ou de compassions, de circonstances ou d’échanges. Leur vie est régie par les événements quotidiens où se côtoient le réel et le recours aux forces occultes, où les faits semblent, pour le lecteur moderne, des faits sans conséquences et sans profondeurs, des faits d’un jour, d’un moment, sans lendemain et par conséquent éphémères. Mais détrompons-nous, ce sont des faits de société, de civilisation, d’époque. Un parcours de La Boîte à Merveilles laisse entrevoir les dessous de la société marocaine de 1920.
I- Croyances, pratiques magiques, voyances et pèlerinages.
A- la voyante Lalla Kanza.
Le roman s’ouvre par une soirée de transes animée par des gnaouas où se mêlent les sons des crotales et des gambris et les odeurs de benjoins et d’encens dans une atmosphère de fraternité entre le djinn et l’homme, le temps d’une nuit. Tout est dédié au djinn pour chercher son soutien en satisfaisant ses exigences et ses caprices. Les fumées en nuages légers et crémeux montent vers les ténèbres de la nuit, domaine du Malin en attente de parfums nocturnes, les danses des femmes dans des contorsions où les corps sans os se tordent à se rompre, les couleurs vives des vêtements choisis au goût du prince de la nuit, et les youyou des femmes, langage sans code et sans cordes : tout cela pour sceller un pacte d’alliance avec les forces obscures de la nuit, une fois par mois, à Dar Chouafa où les locataires sont les acteurs, les témoins ou les spectateurs du rituel. La Chouafa , femme respectée par crainte, tire sa notoriété et son autorité du rite mensuel pendant lequel elle danse avec le djinn qui le lendemain devient son serviteur et son maître. Les couleurs qu’elle porte lui sont dictées par les djinns qui la hantent et la servent et chacun d’eux a sa propre couleur : « Il lui fallait un nombre important de coudées de satinette noire pour calmer l’humeur du grand génie bienfaisant, le roi Bel Lahmer. Depuis quelque temps, elle sentait aussi un mal sournois, dû à l’action de Lalla Mira. Pour faire cesser le mal, une robe d’un jaune de flamme s’avérait nécessaire. Il y avait bien Sidi Moussa à satisfaire, sa couleur était le bleu roi, mais la robe de l’année dernière pouvait encore servir. » ( page 106)
B- Le voyant Sidi El Arrafi
Autant il est plus simple dans ses pratiques autant la Chouafa est plus exigeante et plus spectaculaire. Il ressemble à un sage, ou à un derviche des temps anciens. Il parle par paraboles comme eux mais avec beaucoup de mystique et de mystère. Son langage est obscur mais validé par des références d’ordre théologique. Il est sincère et honnête dans ses propos et déclare dès le début que malgré le nom de ‘’voyant’’ qu’il porte ou que les gens lui font porter, il n’a rien d’une personne qui sache dévoiler l’avenir car cela relève des affaires de Dieu : « Ne vous attendez pas à ce que je vous dévoile l’avenir. L’avenir appartient à Dieu, l’omnipotent » La sincérité de l’aveugle est loin de semer le doute dans les cœurs des deux femmes, au contraire, elle les rassérène car elles connaissent bien la Chouafa pour être une prétentieuse et’’ une sorcière’’. Les deux Lalla sortent de chez l’aveugle soulagées et légères du fardeau : toutes deux ont le sentiment qu’elles vont bientôt le déposer pour se reposer.
Les paroles du voyant aveugle sont sans équivoque. « La blessure semble profonde, pourtant la guérison est proche » ( page208) dit-il à Lalla Aïcha. Quant à Lalla Zoubida, il lui confie sur le ton de la solennité : « O ma sœur……..Souviens-toi que lorsque quelqu’un fait des vœux pour un absent, l’ange gardien lui répond : Que Dieu te rende la pareille » (page 210)
C – Les pèlerinages des sanctuaires
Le pèlerinage à des lieux saints ou censés l’être est une activité presque exclusivement féminine. La femme a toujours été considérée comme un être faible et fragile. Cette croyance, véhiculée de génération en génération à travers les âges a fini par être admise comme une vérité intrinsèque à la nature de la femme. Elle s’installe en elle et prend habitat de son corps, de sa pensée. La femme elle-même tient cet état comme un fait et s’y plie en s’y résignant.
La femme va donc chercher ce qui lui manque là où il est : les Saints qui servent d’intermédiaires entre elle et Dieu. Elle y cherche secours et force. Elle y cherche protection et soutien. Elle y cherche libération et réconfort et guérison du mal physique ou du mal moral dont le mauvais œil est la cause. « Lalla zoubida, dit Lalla Aïcha, c’est Dieu qui m’envoie pour te secourir, t’indiquer la voie de la guérison, je vous aime, toi et ton fils,…. » (page 22) Lalla Zoubida ne peut pas refuser « Ma mère promit de visiter Sidi Boughaleb et de m’emmener cet après-midi même »(page 22). Arrivées devant le catafalque « chacune lui exposait ses petites misères, frappait du plat de la main le bois du catafalque, gémissait, suppliait, vitupérait contre ses ennemis. »(page 26)
Le voyant aveugle n’a-t-il pas recommandé à Lalla Zoubida de visiter les sanctuaires des Saints, les patrons de la ville ? « Les Saints de Dieu qui veillent sur cette ville t’accordent leur protection. Visite leurs sanctuaires »(page 210) Lalla Zoubida ne se le fait pas répéter deux fois surtout à un moment difficile de sa vie. Elle dresse un calendrier hebdomadaire des visites des Saints « Chaque Santon a son jour de visite particulier : le lundi pour Sidi Ahmed ben Yahïa, le mardi pour Sidi Ali Diab, le mercredi pour Sidi Ali Boughaleb… » (page 214-215)
II- Les fêtes religieuses : la Achoura
La Achoura est vécue comme une fête aussi bien par les grands que par les petits Et chacun la célèbre à se façon. Les enfants se font acheter des habits neufs à l’occasion et des instruments de musique. « …ma mère me passa, à même la peau, ma chemise neuve, craquante d’apprêt. Je mis mon gilet rouge aux dessins compliqués et bien en relief. Ma sacoche en bandoulière, je complétai cet ensemble très élégant par la djellaba blanche qui dormait au fond du coffre de ma mère… » (page 142). Les enfants font usage de leurs instruments de musique dans l’allégresse et la joie du tintamarre qu’ils produisent : « Je m’assis, mis mon tambour par terre sur ses bords, je réussis à coincer ma trompette entre mes genoux. Mes mains manièrent le bâtonnet avec vigueur. Je soufflai de toutes mes forces dans la trompette » (page 139). Les femmes montent sur les terrasses pour faire parler leurs bendirs et derboukas « Le soir, des bouquets de femmes richement vêtues ornaient toutes les terrasses. Des tambourins résonnaient, les chants fusaient de partout. » (page 150).
L’aspect religieux de la Achoura se manifeste dans la mise à neuf du Msid : Il est passé à la chaux, lavé à grande eau et éclairée de mille feux. Le sol est recouvert de nattes neuves. Chacun y a apporté sa contribution en fonction des moyens de la famille, mais à la mosquée, rien n’est refusé. L’embellissement du Msid pour le jour de la Achoura cède la place pour La Achoura elle-même que les apprentis fkihs célèbrent avec leur maître « Ce matin, les objets les plus ordinaires, les êtres les plus déshérités mêlaient leurs voix aux nôtres, éprouvaient la même ferveur,s’abandonnaient à la même extase, clamaient avec la même gravité que nous,la grandeur et la miséricorde de Dieu, créateur de toutes choses vivantes ….Les parents de certains élèves psalmodiaient avec nous….il célébraient la Achoura au Msid comme au temps de leur enfance » (page 144)
III- Les menues activités quotidiennes
Dar Chouafa est un espace clos que doivent partager avec équité les locataires qui sont au nombre de quatre familles : au rez-de-chaussée, la Chouafa ; au premier étage, Rahma, son mari et leur fille Zineb ; au second étage, Fatma Bziouya et son mari d’un côté, de l’autre Lalla Zoubida, son mari et leur fils Sidi Mohammed. Comme il n’y a qu’une porte d’entrée principale, une seule cour, un seul puits et une seule terrasse, chaque famille doit les utiliser à tour de rôle, un jour de la semaine. Cela n’empêche pas les disputes car certaines d’entre elles veulent utiliser l’espace à leur profit un autre jour que le leur, ce qui déclenche des disputes violentes « …Rahma eut l’idée néfaste de faire sa lessive un lundi. Il était établi que ce jour-là appartenait exclusivement à ma mère. »( page 14) S’ensuit une dispute verbale des plus violentes où chaque femme donne libre cours à son registre, mais en cela Lalla Zoubida est une championne « Je sais qui tu es, une mendiante d’entre les mendiantes, une domestique d’entre les domestiques, une va-nu- pieds, crottée et pouilleuse, une lécheuse de plats qui ne mange jamais à sa faim … » (page16).
Le lecteur ne peut ne pas remarquer le code de l’utilisation par les hommes de la porte d’entrée. L’utilisateur de la porte commune doit annoncer son passage pour donner aux femmes le temps de rentrer dans leurs chambres afin de ne pas être vues par les hommes, fussent-ils les locataires eux-mêmes comme Maâlem Abdeslam, Driss le fabricant de charrues ou Allal le mari de Fatma Bziouya. « – N’y a-t-il personne, puis-je passer ?….-Passe, Maâlem Abdeselam… » (page 246).
La cour est propriété commune et tout un chacun peut l’utiliser surtout pendant les circonstances exceptionnelles imprévues : fêtes, mariages, circoncisions, ou simple réception d’invités le temps d’un déjeuner comme ce fut le cas du repas offert aux aveugles « Le jeudi suivant, Rahma pour remercier Dieu de lui avoir rendu sa fille, organisa un repas pour les pauvres. Toutes les femmes de la maison lui prêtèrent leur concours. Lalla Kanza, la Chouafa, aidée de Fatouma la plus dévouée et la plus fidèle de ses disciples, lavèrent le rez-de-chaussée à grande eau, étendirent par terre des tapis usés » (page 50-51). Toutefois la Chouafa, elle, l’utilise de manière régulière « …elle s’offrait, une fois par mois, une séance de musique et de danses nègres » (page 4)
IV- La femme au foyer
Le rôle de la femme est de s’occuper de l’intérieur de chez-elle, souvent composé d’une seule chambre ou deux d’une maison commune comme Dar Chouafa ou celle où habitent Lalla Aïcha ou encore Sidi El Arrafi. Les femmes passent le plus long de leur temps à cuisiner ou à attendre leurs maris absents pendant la journée de la maison et se trouvant dans leurs ateliers ; à papoter sur les terrasses des choses qui relèvent de l’univers des femmes ; à faire la lessive ou le ménage. Les rares fois où il leur arrive de quitter leurs chambres c’est pour aller à la kissariat, au bain ou pour rendre visite à une amie comme cela arrive à Lalla Zoubida. Mais elles sont souvent accompagnées par leurs maris ou de l’un de leurs enfants.
Le mari absent pour un certain temps, toute la vie de la famille se trouve affectée et bouleversée par ce vide laissé comme si tout a été réglé d’avance, par un commun accord , sur un acte notarié pour que tout gravite autour de l’homme. Pourtant, les femmes jouissaient de leur liberté, et le lecteur n’a aucunement le sentiment qu’elles manquaient de quelque droit : le droit d’abord de dire et le droit de faire ensuite. Au contraire, les hommes sont souvent absents de leurs maisons laissant les femmes libres de leurs mouvements, de leurs déplacements ;Lalla Zoubida règne en maîtresse dans sa maison : il lui arrivait de tenir tête à son mari : l’achat de la lampe à pétrole, la refus de porter les bracelets d’or, les scènes de la dispute avec Rahma et l’impuissance du mari à la faire taire…
V- Les hommes et leurs activités
L’histoire se passe à Fès aux environs de 1920. Fès c’est aussi le berceau de l’artisanat et des petits métiers. Si le roman consacre une grande place à l’artisanat marocain, il n’accorde que peu d’espace à la présence masculine. La scène du salon de coiffure est sans aucun doute l’unique scène purement masculine et qui s’étale sur une dizaine de lignes.
Babouchiers, tisserands, fourniers, jardiniers, moissonneurs saisonniers, coiffeurs, dellals ou courtiers, chouafas, voyants, masseuses, marieuses, conteurs, pour ne citer que ceux-là et j’en passe. Mais deux métiers méritent que l’on s’attarde un peu sur eux : celui de tisserand et de coiffeur.
Maâlem Abdeslam est tisserand de djellabas pour hommes. Comme les djellabas ne se portent que pendant l’hiver, il a l’idée de se convertir dans la confection des haïks pour femmes : en effet, les femmes ne peuvent sortir de chez-elles sans s’être enveloppées dans leurs haïks. Maâlem Abdeslam suit donc la tendance et comme la tendance est plutôt féminine, il opte pour le vêtement de la femme, obéissant ainsi au principe de l’offre et de la demande.
Si abderrahman est, lui, coiffeur, mais il exerce d’autres activités parallèles au métier de coiffeur. Il pratique la saignée « Si Abderrahman retira les ventouses, alla les vider derrière un rideau. Sur la nuque du client paraissaient deux boursouflures sanguinolentes » (page 136) ; et la médecine traditionnelle « Demande aux gens de ta maison de faire frire dans du beurre un oignon blanc finement haché. Mélange à cet oignon frit deux cuillérées de miel, de l’anis et des grains de sésame… » ( page131) ; il circoncit les petits garçons « Je n’aimais pas Si Abderrahman. Je savais qu’il serait chargé de me circoncire. Je redoutais ce jour » (page 129), on fait appel à ses services pendant les fêtes « Il vint, selon l’usage, accompagné de ses deux apprentis, placer les invités et faire le service pendant le repas » (page 129) ; c’est un homme à donner des conseils « …mon père eut recours à ses soins et fait grand cas de ses avis et recommandations » (page 129)
Le salon de coiffure est un lieu de rencontre où l’on ne vient pas seulement pour se faire raser, mais également pour s’informer ou faire circuler une nouvelle. La nouvelle du moment gravite autour d’un éventuel remariage de Moulay Larbi attendu que sa femme est stérile « Ce qui m’étonne, c’est qu’il n’a point d’enfants. Peut-être a-t-il une femme trop âgée ? »( page 132)
VI- L’auteur témoin de son temps
L’auteur, a-t-on toujours dit, est le témoin de son époque. Les faits qu’il relate sont de nature à nous renseigner sur son temps. Ils ont donc une valeur documentaire. Un exemple frappant ne peut passer inaperçu pour l’œil attentif du lecteur : Il s’agit de la lampe à pétrole, de son introduction dans les foyers à une époque où les gens s’éclaireraient à la chandelle. Cette invention fait son apparition avec l’entrée de l’occupant français : elle est perçue à l’époque comme un signe de modernité « O ! Merveille ! Au centre du mur, une lampe à pétrole était accrochée. Une flamme blanche et paisible dansait imperceptiblement dans un verre en forme de clarinette. Une glace, placée derrière, intensifiait la lumière ; nous étions, ma mère et moi, complètement éblouis »(page 42)Ce passage me rappelle un autre qui lui est similaire sur trois points : il parle d’une lampe à pétrole ; il est tiré d’une autobiographie ; il est situé presque à la même époque « …mon père considérait cette lampe comme le dernier mot de la technique, il est vrai qu’elle donnait une vive lumière, en même temps qu’une violente odeur moderne »( La Gloire de mon Père- Marcel Pagnol- Pages 68,69, Editions de Fallois).
Les lecteurs de l’époque moderne, surtout les jeunes d’entre eux, sont sans doute insensibles à la richesse ethnographique de la Boîte à Merveilles. Traditions, mœurs, pratiques situées entre le religieux et le profane, entre l’obscur et le rationnel, entre l’archaïque et le moderne constituent le quotidien du Marocain de l’époque que raconte l’œuvre de Séfrioui. Le lecteur est redevable à cet auteur de lui avoir fait revivre cette époque , racontée dans un langage plus proche de l’arabe dialectale que du français.
-Les numéros des pages renvoient à l’édition ’’Librairie des Ecoles- Casablanca’’
envoyé par le proffesseur Taib ZAID